Pérennité

Le but du profit est d’assurer la pérennité de l’entreprise. C’est à sa longévité que se mesure son succès. Raphaël Laubscher, CEO de la société éponyme, a fait sienne cette devise. Laubscher Précision a d’abord été fondée en 1846 à Malleray dans le Jura bernois et par la suite à Täuffelen dans le canton de Berne. 250 employés,450 machines, 22’500 m² de surface de production pour 200 millions de pièces par an. Ce spécialiste du petit diamètre est l’un des plus anciens et plus grands sous-traitants de l’industrie horlogère suisse. Ses vis et autres pièces décolletées sont présentes dans les montres des plus grandes marques. Laubscher est également active dans la technologie médicale. Récemment, le prix Entrepreneur Lebenswerk a récompensé tous les Laubscher pour l’œuvre de leur vie. Une consécration qui honore cette famille en raison de son engagement dans la commune de Täuffelen, Berne et de son attachement à la région.

 

La septième génération est déjà à pied d’œuvre

 

Détenteur d’un doctorat en économie de la Business School de l’Université de Saint-Gall et d’un diplôme d’ingénieur de la Fern Hochschule de Hambourg, Raphaël Laubscher est le CEO de la firme Laubscher Précision depuis 2016 et le représentant de la sixième génération. Ce passionné de sports d’endurance sait fort bien que seuls l’esprit créatif, la recherche patiente de solutions et l’amour du détail déterminent la réussite du sous-traitant. Entretien.

 

 

Comment se porte Laubscher Précision depuis la fin de la pandémie ?

 

Raphaël Laubscher : Les trois dernières années nous avons connu une croissance, entre 4 et 5% par année. Cette progression s’est effectuée grâce à l’horlogerie, au médical et à d’autres secteurs. En revanche, de 2013 à 2019, notre chiffre d’affaires avait légèrement reculé.

 

Fondée en 1846, quelle est la recette de longévité de votre entreprise ?

 

Raphaël Laubscher : La famille Laubscher a toujours réinvesti systématiquement les bénéfices de l’entreprise. En 2014 et 2015, nous avons investi vingt millions de francs pour des surfaces de production supplémentaires. Par la suite, nous avons reconstruit et créé de nouveaux locaux pour la fabrication et la distribution des outils et renouvelé l’étalonnage des instruments de mesure. Les dividendes des actionnaires sont mesurés ce qui augmente d’autant la marge de manœuvre de l’entreprise. Nous avons toujours été prudents. Cette philosophie nous a conduit de garantir la pérennité de l’entreprise plutôt que de chercher la croissance exponentielle. Une anecdote, nous avons des clients dans l’horlogerie avec lesquels nous travaillons depuis 150 ans. Cela n’est possible que parce que nous avons réussi à nous adapter aux exigences de notre époque sans pour autant renoncer à notre ligne de conduite générale.

 

Combien d’actionnaires compte votre entreprise ?

 

Raphaël Laubscher : 85 actionnaires, tous descendants du fondateur Samuel Laubscher. Lorsque la société anonyme fut créée en 1920, les quatre fils et le gendre de mon aïeul avaient reçu 20% de parts chacun. Les statuts stipulaient que l’actionnaire devait être un descendant du fondateur et qu’il ne pouvait détenir plus de 20% du capital. Par la suite, ce pourcentage est monté à 25%. Depuis cette époque, partage du pouvoir de décision demeure en vigueur. Aucun actionnaire ne peut détenir la majorité.

 

Avez-vous eu la tentation de sortir du petit diamètre ?

 

Raphaël Laubscher : Nous fabriquons des composants allant jusqu’à un diamètre de 42mm pour des séries de moins de 10pces toutefois notre logistique est organisée pour des pièces de petit diamètre soit de moins de 20mm de diamètre. Notre site de production est situé au centre-ville de Täuffelen, avec assez peu d’espace. Nous avons donc dû ériger des bâtiments verticaux répartis sur dix étages. Le petit diamètre reste notre force. Du reste, la Suisse a plusieurs longueurs d’avance au niveau international dans ce domaine. Laubscher réalise entre 50 et 65% de son chiffre d’affaires dans le médical. 70% de notre production va à l’exportation. L’horlogerie est notre plus gros client en Suisse, le reste part principalement en Allemagne et aux États-Unis.

 

Quelle est la marque de fabrique de Laubscher ?

 

Raphaël Laubscher : Nous faisons des petites pièces et des pièces complexes de très haute qualité. En 2016, lorsque je suis devenu CEO de l’entreprise, j’ai rendu visite à une trentaine de nos clients et j’ai compris que notre réputation reposait sur la constance de la qualité de nos pièces ainsi que du respect des délais de livraison. Notre personnel très compétent ainsi que notre parc de 450 machines de différents types nous permettent d’honorer les commandes les plus complexes dans les délais impartis.

 

Très tôt, Laubscher a diversifié ses activités comme dans le domaine médical ?

 

Raphaël Laubscher : Nous fabriquons environ 1’200 articles différents par année. En 1950, nous avons commencé dans le domaine médical avec des pièces pour des seringues Nous ne fabriquons pas d’implants mais nous réalisons des composants pour des appareils médicaux. Dans le domaine médical, le décolletage est soumis a des normes spécifiques et les exigences de documentation sont plus strictes que dans l’horlogerie.

En 1890, Samuel Laubscher met au point une version perfectionnée du premier tour automatique, la Swiss Type Turning Machine, qui permettait de réaliser en une seule étape les fentes. Vous pensez que le concept de cette machine n’a pas changé́ depuis ?

Raphaël Laubscher : Oui, tout à fait. Il est étonnant de voir que les principes d’alors sont encore d’actualité. Nous avons toujours un grand nombre de machines conventionnelles en service aujourd’hui. Leur productivité élevée n’a pas été surpassée jusqu’à aujourd’hui. L’augmentation constante des exigences qualité et de la complexité des pièces de nos clients ainsi que le passage aux matières sans plomb nous conduisent toutefois à étoffer considérablement notre parc machine par des machines CNC les plus modernes.

Est-ce une obligation de porter le patronyme de Laubscher pour prétendre au poste de CEO ?

 

Raphaël Laubscher : Cela a été le cas jusqu’à maintenant. La famille a toujours recouru à un de ses membres pour reprendre le flambeau.  Indéniablement, il y a un avantage à ce que l’entreprise et le CEO porte le même patronyme, mais c’est loin d’être une condition absolue. Les choses ont évolué dans ma famille au cours des cinquante dernières années, le critère des compétences est devenu prépondérant. Pas seulement les diplômes universitaires, mais aussi l’expérience dans d’autres firmes et les aptitudes sociales. Je représente la sixième génération, mais la septième est déjà à pied d’œuvre dans l’entreprise.

Pour réussir, il faut s’adapter aux tendances de l’époque sans renoncer à sa ligne de conduite.

Raphaël Laubscher, CEO de Lausbcher Précision

 

Entre 2014 et 2015, Laubscher Précision a investi vingt millions de francs pour des surfaces de production supplémentaires.

Laubscher fabrique environ 1’200 articles différents par année.

 

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