Patrimoine. Entre 1927 et 1950, Ebauches SA reprend 17 fabricants d’ébauches dans le Jura bernois. Ces usines sont redimensionnées et certaines fermées. La cartellisation menace sérieusement la concurrence. Le nombre de clients diminue drastiquement.
L’émergence de ce cartel fait des ravages au sein de la clientèle. Seuls deux succursales d’Ebauches SA, situées à Granges, restent demandeuses de fournitures : Schild et Baumgartner. Les entreprises de décolletage et de fournitures d’horlogerie doivent se mettre à la recherche de nouveaux clients.
Le salut viendra de l’étranger. L’horlogerie allemande de la Forêt Noire et de Pforzheim s’est très vite relevée après la deuxième Guerre mondiale. Au début des années 1950, Ultra Décolletage à Court livre des fournitures à une demi-douzaine de clients allemands. La France reste également un très bon débouché avec ses entreprises horlogères comme France Ebauches, Lip ou Cupillard. Les Américains pourvus d’ateliers d’ébauches sont bien présents en Europe. Bulova à Bienne et le groupe Kelton à Besançon et à Dundee en Ecosse. Les horlogers français et allemands subissent la crise du quartz plus tardivement que nous. Résultat, la demande de fournitures restera forte jusqu’à la fin des années 1970.
La montre mécanique résiste
L’industrie française a livré quantité de montres de la marque Roskopf en Afrique jusque dans les années 1990. Cette perdurance de la montre mécanique s’explique facilement. Le garde-temps à quartz fonctionne avec une pile. Or il n’y avait alors pas de réseau de distribution de piles sur le continent africain. En outre, les piles, changeaient souvent de forme et de taille. À défaut de batterie adéquate, il fallait carrément changer de montre. L’obsolescence programmée existait déjà.
Relations privilégiées
Les décolleteurs de Court avaient comme client, une entreprise dynamique et ne faisant partie d’aucun groupe ou cartel. Il s’agissait de Ronda SA à Lausen dans le canton de Bâle-Campagne. A l’époque, sa production de montres mécaniques faisait plusieurs milliers de pièces par année. Elle entretenait des relations privilégiées avec les décolleteurs de Court qui produisaient une grande partie de ses fournitures. En 2007, Ronda SA franchit le Rubicon et s’installe à Court. Malgré la débâcle de l’ASUAG et de la SSIH, les horlogers de la vallée de Joux et de Genève résistent bien et passent encore des commandes. Seules pour franchir ce cap difficile, elles ne font pas de montres à quartz, préférant la fabrication de garde-temps mécaniques. L’avenir leur donnera raison.
Arrivée des ordinateurs
La crise horlogère a favorisé la diversification. Horlogerie pour les uns. Appareillage en plus pour les autres. Et uniquement l’appareillage pour certains décolleteurs. Avec l’arrivée des ordinateurs au début des années 1980, une opportunité s’offre aux décolleteurs : la fabrication des contacts électroniques. Il en fallait des quantités phénoménales. L’entreprise Varmann flaire le bon filon. Elle équipe son nouveau bâtiment de machines idoines. D’autres se contentent de les produire avec les moyens de bord. La rentabilité est au rendez-vous. L’arrivée du fax sonne le glas de cette embellie. Les appels d’offres font le tour du monde, les décolleteurs découvrent la globalisation. Désormais, seul le prix importe. Difficile de régater avec l’Asie.
Invitation à la contrefaçon
La concurrence asiatique est ainsi renforcée par les fabricants de machines. Ceux-ci envoient des spécialistes pour installer et mettre en route les décolleteuses. On montre à ces nouveaux clients les subtilités de la fabrication de pièces de décolletage acquises auprès des fabricants régionaux. Une manière de laisser la porte grande ouverte aux contrefaçons, fléau de l’horlogerie. Lors de la crise des années 1970, les décolleteurs souffrent, mais personne ne met la clé sous le paillasson. Sans doute, en raison de la gestion à l’ancienne. L’argent investi est celui de disponible. Les banques suscitent la méfiance. Les taux d’intérêt montent jusqu’à 8%. Mieux vaut réfléchir avant de s’agrandir. Et surtout suivre la devise du cru : Mieux vaut être serré dans ses murs que par un banquier.
(((Encadré N°1))
Décolletage en tout genre
Jusque dans les années 1940, la majorité des entreprises de décolletage étaient actives dans l’horlogerie. Dès 1945, certaines ajoutent à leurs activités le décolletage en tout genre, soit l’usinage de pièces pour d’autres industries. Avant l’ère du numérique, quantité de pièces étaient nécessaires pour des appareils à l’instar des machines à coudre ou appareils photo. Les compteurs électriques étaient équipés d’un mécanisme avec roues dentées, axe et pignon. Henri Bueche produisait des rasoirs électriques. Ce fabricant de génie avait mis au point la machine à remailler les bas. Le décolletage était partout.
Remerciements à la revue culturelle Intervalles du Jura bernois et de Bienne pour la publication de cet article.
Lors de la crise des années 1970, les décolleteurs souffrent, mais personne ne baisse le rideau.
Ronda produisait à l’époque des montres mécaniques.
La crise horlogère a favorisé la diversification.
Mécanisme à roues dentées pour les compteurs électriques d’antan.
Les rasoirs électriques recouraient également aux décolleteurs.
La machine à remailler les bas. Décolletage omniprésent.