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Remplacer le CuBe : quelles alternatives pour l’horlogerie ?

Le Cuprobéryllium (CuBe) est celui qui possède la plus haute résistance mécanique dans la famille des alliages cuivreux Ce dernier peut largement dépasser le giga-Pascal après durcissement. Couplées à d’autres propriétés favorables comme sa bonne résistance à l’usure et à la corrosion, sa haute conductivité thermique et électrique, et ses excellentes performances mécaniques en font un alliage très répandu dans des domaines tels que l’aéronautique, la connectique, l’électrotechnique ou la mécanique.

Fabienne Marquis
Directrice, Association suisse pour la recherche horlogère (ASRH)

En horlogerie, le CuBe est utilisé pour réaliser des composants variés tels que roues, secteurs dentés, goupilles, leviers, pieds-vis, disques de quantième, aiguilles, ressorts, balanciers, usinés dans des semi-finis élaborés en bandes ou en barres. Néanmoins, la toxicité du Béryllium sous forme élémentaire ou sous forme d’oxyde, reconnue par les agences de surveillance des substances potentiellement problématiques pour la santé et l’environnement, imposent certaines contraintes aux acteurs travaillant les alliages au Béryllium. Des valeurs limites d’exposition professionnelle sont fixées. Décision a été prise par la Commission suisse des valeurs limites de réduire la valeur limite moyenne d’exposition aux poussières de Béryllium, un abaissement à 0,0002 mg/m3 est prévu en Europe dès 2027.

Dans ce contexte, l’industrie est à la recherche de solutions alternatives aux alliages CuBe et la branche horlogère a lancé en 2022 un projet stratégique visant à étudier des alliages de substitution sans Béryllium. Ce projet communautaire mené par l’association suisse pour la recherche horlogère (ASRH) se focalise sur des alliages cuivreux, deux pistes sont investiguées. L’une porte sur une famille d’alliages proposés sur le marché en remplacement du CuBe, les CuNiSn dont il s’agit d’évaluer les performances pour les applications horlogères. L’autre porte sur un alliage de laboratoire qui n’est pas disponible commercialement et pour lequel il s’agit, dans une étude de faisabilité pré-industrielle, d’évaluer le potentiel et d’estimer l’ampleur des travaux d’industrialisation.

Plusieurs alliages de remplacement

Le défi est de taille. Le CuBe dans ses différents états métallographiques couvre une large plage de performance mécanique, comme l’illustre le graphe ci-contre qui présente schématiquement l’usinabilité et la résistance mécanique atteignables par le CuBe et quelques cuivreux candidats à la substitution. Il apparait clairement que cette large plage caractérisant le CuBe ne peut être couverte par une alternative unique. Les cas d’utilisation actuels du CuBe devront être répartis entre plusieurs alliages de remplacement dont les performances mécaniques sont plus restreintes. Certaines alternatives présentent une bonne usinabilité, d’autres sont plus problématiques à usiner. Il s’agit dans ce projet de se focaliser sur les alliages à très haute performance mécanique (Rm > 1GPa) et de réaliser des plans d’essais portant sur les principaux procédés d’usinage utilisés en horlogerie, l’usinabilité en décolletage étant particulièrement critique (chariotage, tronçonnage, perçage, tournage intérieur, décoration…). Le secteur est également intéressé par une étude comparative en étampage. A travers la réalisation d’essais rigoureux et systématiques, le projet vise à identifier les paramètres critiques et étudier leur influence sur le résultat du procédé. Les usinages sont réalisés sur des machines instrumentées qui donnent accès aux efforts de coupe. Les critères d’analyse portent également sur les copeaux, sur la qualité des pièces usinées (bavures, états de surface) ainsi que sur l’usure des outils. Les mesures de force ainsi que les images de copeau et d’usure d’outil présentées ci-contre sont obtenues sur un alliage CuNiSn candidat à la substitution.

Projet communautaire

Ce projet rassemble une trentaine de sociétés, allant de grands groupes horlogers aux fabricants d’outils, en passant par des fabricants de composants et des marques horlogères. Plusieurs sociétés ont récemment rejoint l’ASRH dans le but de participer à ce projet communautaire ouvert à toutes les sociétés membres de l’association. En mutualisant les coûts, l’approche communautaire permet d’assurer une ampleur suffisante à l’étude de manière à fournir des résultats conclusifs et documenter des bonnes pratiques utiles au secteur. L’effort financier est principalement assumé par les marques et les groupes horlogers dont la contribution couvre la plus grande partie du coût des travaux. Les conditions de participation sont particulièrement favorables pour les fournisseurs et les sous-traitants. Une contribution de 5 kCHF leur donne accès à l’ensemble des résultats du projet. L’ASRH encourage tous les acteurs concernés à rejoindre ce projet communautaire.
www.asrh.ch

Exemple d’usure d’outil observée en chariotage sur un alliage CuNiSn.