Tornos, la haute couture de la mécanique

Interview. Insubmersible. Tornos a toujours résisté aux turbulences sanitaires, énergétiques et géopolitiques. Cette entreprise emblématique de la région innove constamment en tablant sur de nouveaux produits. Rencontre avec Giuseppe Accomando, Head Of Sales & Services Switzerland de Tornos Group.

Tornos entreprise formatrice des plus grands décolleteurs, pourquoi tant d’implication dans la formation ?

Tornos est une entreprise formatrice depuis des lustres. Dans les années septante jusqu’à 2000, Tornos disposait d’un centre de formation qui était une pépinière d’entrepreneurs. Je l’ai appris en visitant les grands décolleteurs suisses qui m’ont confié être passés par notre centre. Et ce sont aujourd’hui nos clients ! En ce qui nous concerne, nous avons aujourd’hui une soixantaine d’apprentis. Nous collaborons avec le CAAJ (Centre d’Apprentissage de l’Arc Jurassien) à Moutier. Tornos est impliquée dans la formation des jeunes. Je fais partie du conseil d’administration du CAAJ, de l’AFDT (Association des Fabricants, Décolleteurs et Tailleurs) et de Swiss Precision (Le pendant alémanique de l’AFDT). Auparavant, l’apprenti passait les premières années à vider les bacs à copeaux, à nettoyer les machines, et à charger les barres. Aujourd’hui, le polymécanicien passe les deux premières années dans ce centre à usiner l’acier, à limer, à tourner, en passant par les machines à cames jusqu’aux machines d’usinage. Bien sûr, ils passent un à deux jours dans une école mais ces apprentis travaillent vraiment dans un atelier. Comme quoi, la pratique est le fondement de la théorie. Une fois en entreprise, ils sont presque autonomes avec la machine. Plus besoin d’un chaperon pour les former. Le CAAJ est financé par les 22 entreprises qui en font partie. Ces dernières financent ce centre au prorata des apprentis.

Un mot sur l’Académie Tornos ?

Au sein de l’Académie Tornos, nous formons aussi nos clients à l’usage des machines. Deux possibilités, soit nous nous déplaçons chez eux, soit ils viennent à Moutier. Quand un client achète un type de machine et c’est la première dans son parc, la formation se tient chez nous pour ce qui concerne la programmation, la maintenance, etc. Trois collaborateurs se dédient exclusivement à cette tâche. Nous disposons d’un grand nombre de machines. Deux pour les mono-broches et une pour les multibroches. 

Naissance du décolletage Machines Swiss Type. Comment tout a commencé ?

Dans le passé, fabriquer quelque chose qui n’existait pas, était un peu plus facile à placer sur le marché. Par exemple, quand en 1875, Monsieur Schneiter a inventé la première machine de décolletage Tornos pour faire les vis horlogères avec des sangles activées par l’eau pour faire tourner les machines, ce fut une révolution. Aujourd’hui, la technologie avance tellement que la machine sort une pièce sans passer par les étapes de retouches. C’est notre gros défi. Le polissage restera. Mais le client veut aujourd’hui une pièce achevée en une étape et sur une machine et sans tous les passages du passé. C’est possible. On y arrive dans tous les domaines : horlogerie, automobile et d’autres. Lancer de nouvelles machines est de plus en plus ardu. Nous arrivons à sortir une solution pour faire une pièce d’une certaine manière. Après pour les vendre, nous nous adaptons sur le développement spécifique de chaque client. C’est du sur-mesure. L’équipement de la machine sert à atteindre le résultat recherché par le client : une pièce en une seule fois. Beaucoup d’entreprises asiatiques procèdent à des montages de machines à la chaine. Les options sont réalisées chez le client, une fois la machine installée. Chez Tornos, chaque machine est fabriquée selon les désidératas du client. Une fois posée, elle est prête à produire. Le fait maison nous différencie.

Quelle est le prix d’une machine entrée de gamme ?

Pour une machine de base tournage, son prix est de cent mille francs. Avec certains équipements, cela peut atteindre le double. Cela représente une somme conséquente. Lorsqu’un client vient avec un projet pour répondre aux besoins de ses clients, la confiance doit s’instaurer d’emblée. Une fois sa confiance acquise, la machine est achetée et il est possible par la suite de monter de gamme. Il faut répondre aux appréhensions du client très vite. Avec mon parcours entre le montage et le service après-vente, j’ai appris à connaître les machines et les entrepreneurs.

Quelles sont vos parts de marché dans l’horlogerie et les autres ?

En Suisse, notre marché principal est l’horlogerie, le médical et la connectique. Notre chiffre d’affaires se répartit à 40% pour l’horlogerie, 30% les Medtech, 20% la connectique et le reste pour le jobshop, la mécanique générale de précision et autres. Pendant de longues années, notre marché principal était l’automobile. Nos machines produisent encore des pièces pour les sièges électriques et les portes, mais ce marché est en baisse. Pour une seule raison, un moteur thermique a environ 1’700 pièces contre 400 pour son pendant électrique. Nous ne faisons pas beaucoup dans le jobshop en raison de passages de barres de gros diamètre. Nous sommes meilleurs dans le petit diamètre. Nous commençons avec des barres de 1 mm jusqu’à 42 mm.

Itinéraire d’un enfant de la Maison

Arrivé chez Tornos en 1999, Giuseppe Accomando a débuté dans le montage électrique. Sa mission consistait à câbler les coffrets électriques des DECO 10, 13 et 20, le début de la saga des tours automatiques DECO. Par suite d’une baisse drastique des carnets de commandes en 2002, il part vers d’autres horizons. En juin 2005, il y revient, la direction lui confie la hotline du service après-vente de Tornos en raison de sa maitrise de des langues étrangères. Pendant huit ans, Giuseppe s’occupera de la clientèle suisse et limitrophe. Son parcours illustre le fait que Tornos donne la possibilité d’évoluer à ses forces vives. D’électricien, il est aujourd’hui directeur commercial de la filiale suisse. A 48 ans, son crédo reste le même qu’à l’entame de son apprentissage à 16 ans : « La Suisse fait sortir le meilleur de nous. »