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L’histoire épique des tours automatiques à poupée mobile

L’invention du tour automatique à poupée mobile est attribuée à Jakob Schweizer, originaire de Bâle campagne et formé comme horloger dans le Jura bernois. En fait, ce précurseur mit au point à Bienne dès 1872-1873, initialement pour son propre usage, le prototype du tour automatique à poupée mobile commandé par cames.

Edouard Huguelet

En 1880 un mécanicien suisse alémanique du nom de Nicolas Junker, s’établit à Moutier avec pour projet la fabrication industrielle de vis et de pignons pour l’horlogerie, éléments fort coûteux à produire de façon artisanale. Pour ce faire, il reprend le principe du tour automatique à poupée mobile système Schweizer, réalisant sur cette base une machine plus rigide, qu’il dote de perfectionnements nouveaux, en particulier la bascule (qui est un dispositif monté sur un pivot, portant deux porte-outils situés de part et d’autre de l’axe de tournage), un chariot radial et même un système rudimentaire d’avance-barres. La physionomie en éventail du plan de travail des tours automatiques ne devait dès lors guère varier aux cours des décennies suivantes, le principe de la «poupée mobile», décidément indémodable, ayant d’ailleurs été transposé dans les machines à commande numérique actuelles.

 

Dans un atelier de décolletage à Moutier, en 1917.
Image: Musée du Tour automatique de Moutier.

Un démarrage difficile

Les débuts furent difficiles. A témoin une mention dans une édition 1886 de l’Indicateur suisse de l’industrie horlogère Davoine, présentant encore l’entreprise de Nicolas Junker dans la rubrique des « fabricants de pignons d’horlogerie», alors que son atelier consistait en un local loué à la «Glacerie», une dépendance des Verreries de Moutier. Nicolas Junker, qui a finalement acquis le bâtiment de la «Glacerie», a de la peine à démarrer la fabrication en série de ses tours automatiques. Il fait encore feu de tout bois pour subsister, pour preuve cette mention dans les éditions 1892/1893 de ce même indicateur Davoine: «Junker, N., constructeur mécanicien, usine hydraulique, grand atelier de constructions mécaniques pour l’horlogerie, spécialité de machines automatiques pour l’horlogerie petits et gros volumes, fabrique de pierres à fusils». Le premier brevet relatif au tour automatique à poupée mobile, concernant la bascule qui consiste en un dispositif oscillant commandé par une seule came, supportant les porte-burins avant et arrière, n’a été en fait déposé qu’en 1896 par Nicolas Junker et la machine fut présentée cette même année à l’Exposition nationale de Genève. C’est à partir de cette date que le tour automatique Junker à poupée mobile fut réellement produit en série.

 

Nicolas Junker.
Image: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS)

L’apparition du tour automatique à poupée mobile a également été à l’origine de deux métiers nouveaux : celui de décolleteur (pour l’exploitation, le réglage et la mise en train des machines) et celui de calculateur/faiseur de cames, non moins important, nécessitant de la part de ce spécialiste de solides notions de géométrie, trigonométrie, mathématiques… et surtout une bonne dose de sens pratique!

 

Ancien tour automatique à poupée mobile, réalisé par A. Bechler & Cie en 1905.
Image: Musée du Tour automatique, 2740 Moutier

 

Atelier de décolletage actuel (MPS Décolletage SA, 2738 Court).
Image: Ed. Huguelet

 

 

Tour automatique à cames, réalisé par A. Bechler & Cie.

 

Trio mondial

Dès 1925, on trouve à Moutier trois entreprises concurrentes : Tornos, Bechler et Petermann, qui réalisent et commercialisent dans le monde entier des tours automatiques à poupée mobile quasiment similaires du point de vue conceptuel. En 1968, l’usine Petermann est absorbée par Tornos, puis en 1974, Bechler se rapproche de Tornos pour former en 1981 l’entité Tornos-Bechler SA. Finalement les trois anciens concurrents se trouvent dès lors réunis en 2001 sous la raison sociale unique actuelle Tornos SA.

 

Tourbillonnage et polygonage

En 1978, Tornos, alors Tornos-Bechler à l’époque, présente son premier tour automatique à poupée mobile à commande numérique, appelé Elector 16, arborant encore la disposition caractéristique «en éventail» des chariots, propre aux tours automatiques à cames traditionnels. Les modèles actuels, tout en conservant le principe de la poupée mobile, ont en revanche abandonné cette conception pour adopter une implantation des porte-burins sur des coulisses (appelée «peignes»), disposées de part et d’autre de la broche. Ces machines sont conçues pour réaliser l’usinage complet de pièces de précision, y compris le perçage, le fraisage, le taillage de dentures, le filetage par tourbillonnage et le polygonage. Le principe de base n’ayant pu être breveté à l’époque, de nombreux constructeurs de machines, japonais notamment, sont devenus au fil des temps de redoutables concurrents en matière de tours automatiques à poupée mobile, produisant d’abord des machines à cames, puis désormais des modèles à commande numérique.